Mon coeur, cette poule
Mon coeur, par les nuits d‘insomnie, se transforme en une poule trémoussante : toute peureuse et mouillée, elle bouge de manière arythmique, elle nage dans la sueur de la peur. Son os double jette une ombre sur le papier peint qui sent l‘oseille et la pierre, elle devient neuf fois plus longue. Les flaques d‘eau sale et les hibous sonnés errent dans les rues, leurs ombres par neuf fois multipliées harcèlent tout en espérant acoster, recruter une planète voire une étoile, prendre leur corps en otage, puis l‘écraser en un pâté et l‘étaler, l‘étaler, le pomper vers le coeur jusqu‘à ce qu‘il se calme, mon coeur, cette poule.
Derrière la porte du gastro-entérologue
- Moi j'ai une cirrhose premier stade. - On m'a accidentellement diagnostiqué une hépatite C. - Je vais chercher du café, il y a une machine au rez-de-chaussée. - Une élévation d‘enzymes ? - Qu‘est qu‘il fait chaud, c‘est pas possible !
Un homme plantigrade, à la silhouette d'ours attend également devant la porte du gastro-entérologue. Deux perroquets – un jaune et un turquoise – sont imprimés sur son T-shirt. Leurs pattes sont fermement posées sur une inscription lumineuse qui se termine par trois points d‘exclamation : Florida forever !!!
Il faudra encore patienter assez longtemps mais ce patient lui aussi sera appelé par son nom, il sera invité à entrer dans le cabinet.
Et même lorsqu'il apprendra que ses indicateurs hépatiques ne sont pas au mieux de leur forme, les perroquets de l‘été n‘auront pas froid aux yeux – s'agrippant avec leurs pattes, ils continueront à soutenir et à défendre cet état de choses qui n'est pas accessible à tout le monde
Le vent est si fort
Le vent est si fort : dans la mer, il a agglutiné les méduses en grappe il a cassé la colonne vertébrale du fil à linge il a arraché les moustiques du plafond il a apporté ma tête sur ton oreiller.
Toujours partout ensemble
Nous nous sommes transformés en ongles et nous avons épluché les étoiles comme des bananes. Plus tard près des tranchées nous – les pointus et les invisibles – avons plongé dans l’océan.
Nous avons glissé dans les profondeuret nous avons pincé un thon étincelant.
Les petits serviteurs
Les libellules vivaient déjà à l’époque lorsque la planète fut dominée par des fougères préhistoriques et par la fraicheur, et les organismes aquatiques prirent progressivement des caractéristiques amphibies. Les libellules déchirèrent avec leurs mâchoires le plancton, les acariens et les arachnides : les conditions d’abondance leur garantirent la survie encore pour cent millions d’années.
Ni les fougères, ni les libellules, ni le reste, ni les menus organismes plus faibles n’imaginèrent guère que le singe surgi des eaux allait évoluer et devenir puissant, qu’il allait se créer pour lui-même toute une infrastructure sur terre avec des secteurs de services différents, des bijoux, des compléments alimentaires qui lui garantissent une vie plus longue. (Rien que pour lui.)
La pharmacienne avec des boucles d‘oreille en forme de libellule tend gentiment dix-huit paquets d‘ampoules de rutine et un nombre deux fois plus grand de pansements pour arrêter l‘hémorragie. Elle écoute une litanie sur la désinvolture des médecins, sur les prix impossibles et les veillées derrière la porte du service de chimiothérapie.
Dans son dos, il y a un petit pot, face à la caisse, avec une fougère d'intérieur.
Pique-nique au bord de la mer
Un feu de camp, une pinède, ses entrailles grouillent d‘animaux et de petits oiseaux, mais les sangliers et la mousse dominent.
Des pages météo du journal on déballe un morceau de lard : on reprend des forces en mastiquant des tranches de lard élastiques sur lesquelles sont restés imprimés les schémas de la formation des cyclones. La peau des vieillards, leurs hanches et les insectes à carapace dure prennent des bains de soleil dans les dunes (pas nous). Derrière les dunes, comme un amas de serpents s‘agitent les vagues de la Baltique. Serait-il mécontent pour quelque raison ?
Moi je trouve cela plutôt goûteux.
Les étoiles sont pleines de bactéries
Les étoiles sont pleines de bactéries, Elles vont faire fermenter le ciel. Les étoiles vont transformer le ciel en lait fermenté infini.
traduit du lituanien par Akvilė Melkūnaitė avec la collaboration de Marielle Vitureau
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